Les résultats du nouveau rapport du Reuters Institute sur la consommation de l’information en ligne confirment l’évolution vers un environnement médiatique plus numérique, mobile et dominé par les plateformes. Si la confiance envers les médias est au plus bas, le nombre de personnes payant pour s’informer est en légère progression.
Le rapport 2020 du Reuters Institute sur la consommation de l’information numérique sort dans un moment difficile pour l’industrie des médias, malmenée par la crise du coronavirus. Comme il était prévisible, cette dernière s’est invitée dans l’analyse, largement basée sur des données récoltées avant le véritable début de la pandémie dans la plupart des 40 pays analysés.
Afin d’examiner l’impact de la pandémie sur les médias, les auteurs du rapport ont répété une partie des sondages dans six états (Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne, Espagne, Corée du Sud et Argentine) au début du mois d’avril. Leurs conclusions confirment des tendances qui ont été largement observées et qui ont fait l’objet de plusieurs articles publiés sur EJO.
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Les résultats des analyses antérieures au début de la pandémie sont plus intéressants et montrent que les dynamiques en cours continuent de progresser. Pour le meilleur et pour le pire.
La confiance dans les médias en chute libre
Malgré les pics d’audiences qui ont caractérisé les premières phases de la crise sanitaire, la confiance dans les médias continue de chuter. Par rapport à 2019, elle recule de quatre points de pourcentage : seules 38% des personnes interrogées ont confiance dans les médias, soit moins de quatre sur dix. C’est le niveau le plus bas jamais atteint depuis que ce sondage a lieu. Moins de la moitié des sondés (46%) disent faire confiance aux informations qu’ils consomment sur internet.
Les chiffres changent d’un pays à l’autre, mais ce niveau s’élève au dessus de 50% seulement dans six états sur 40. La France se classe en avant-dernière position, tout comme l’an dernier, et perd un point de pourcentage : seuls 23% des sondés font confiance aux médias. Le taux s’élève à 44% en Suisse et à 45% en Belgique.
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La qualité de l’info pousse les gens à s’abonner
Malgré ce contexte peu encourageant, les auteurs ont constaté une « augmentation significative » du pourcentage des personnes qui paient pour consommer de l’information en ligne. Le recours de plus en plus diffus à des modèles numériques payants commencerait donc à avoir un impact.
Un impact très limité, du moins pour ce qui concerne les pays francophones, où le pourcentage des participants qui payent pour de l’information oscille entre 10% en France et 13% en Suisse, sans enregistrer une hausse significative par rapport à l’année passée. Les signaux les plus encourageants proviennent des Etats-Unis (20%) et surtout des pays scandinaves. En Norvège, 42% des personnes interrogées payent pour s’informer, un pourcentage en progression de huit points par rapport à 2019.
Reste que la plupart des personnes ne payent pas. Et quand elles le font, ce sont souvent les mêmes médias qui en tirent profit. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la plupart des abonnements convergent vers un nombre limité de gros titres (le New York Times, le Washington Post, le Times). De plus, la grande majorité des lecteurs ne sont abonnés qu’à un seul média.
Mais qu’est-ce qui pousse les gens à s’abonner ? Pour les auteurs du rapport, « les motivations sont complexes et dépendent en partie de facteurs liés à l’offre. » Parmi les raisons les plus importantes, on retrouve la spécificité et la qualité du contenu. Cette tendance correspond à la stratégie, adoptée par certains journaux, visant à réduire la quantité des publications en faveur de la qualité.
Une autre raison citée par la moitié des personnes interrogées aux Etats-Unis est la volonté de soutenir le bon journalisme. Encore une fois, la qualité semble être un critère important.
La progression de l’audio
Le rapport confirme une autre tendance amorcée depuis les dernières années : la consommation des podcasts continue de croître. Les données récoltées montrent une augmentation globale de 31% dans 20 pays analysés depuis 2018.
En France, 26% des personnes interrogées a écouté un podcast au cours du dernier mois. Ce taux monte à 32% en Suisse et à 26% en Belgique.
Le public qui consomme ce genre d’offre est généralement jeune, ce qui rend le podcast un format intéressant pour attirer de nouveaux lecteurs vers les médias traditionnels. Les podcasts lancés par plusieurs journaux, y compris en Suisse romande, en sont la preuve.
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La désinformation reste un problème
La désinformation sur internet reste un problème pour plus de la moitié des personnes interrogées (56%). Les données suggèrent une corrélation avec le contexte politique : aux Etats-Unis à l’aube des élections présidentielles, le taux s’élève à 67%. Les protestations qui ont secoué Hong Kong ont provoqué une hausse de six points par rapport à 2019.
La France se situe aussi en haut du classement, avec un taux de 62%. Cette situation est probablement liée aux importantes manifestations contre la réforme des retraites. Les valeurs en Suisse (45%) et en Belgique (49%) sont par contre au-dessous de la moyenne.
Sans surprise, les personnes considèrent les réseaux sociaux comme la plus grande source de préoccupation en matière de désinformation (40%), loin devant les sites d’information (20%).
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Les plateformes de messageries telles que WhatsApp sont considérées comme problématiques par 14% des personnes interrogées, mais les proportions changent dans les pays du Sud : au Brésil, ce taux atteint 35%. Ceci est particulièrement préoccupant, notent les auteurs du rapport, car « les fausses informations sont moins visibles et plus difficiles à contrer dans ces réseaux privés et cryptés. »
40% des personnes interrogées estiment que les politiciens nationaux sont les principaux responsables de la désinformations, suivis par les activistes (14%) et les journalistes (13%). Malgré la large couverture médiatique consacrée aux tentatives présumées des pouvoirs extérieurs d’influencer les élections, seule une personne sur dix s’inquiète des gouvernements étrangers.
« Les douze prochains mois seront déterminants pour l’avenir de l’industrie de l’information », estiment les auteurs du rapport, qui soulignent qu’il y a quelques signes d’espoir : « même si les perspectives immédiates semblent incertaines, de nombreux médias sont plus que jamais conscients de la valeur de leur produit. »
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