Frapp, un laboratoire pour l’actualité régionale sur les réseaux sociaux

14 mai 2024 • À la une, Déontologie et qualité, Économie des médias, Formats et pratiques, Innovation et numérique, Récent • by

Journaliste RP pour Frapp depuis sa création en décembre 2020, Alexia Nichele est la responsable de la rédaction depuis un an.

Le média local Frapp propose une actualité fribourgeoise dématérialisée sur son application et ses réseaux sociaux. Des formats qui permettent de régionaliser l’actualité en privilégiant la réactivité et en se basant sur l’interaction avec les publics.

Une bonne dose d’actualité fribourgeoise, une application et des réseaux sociaux, voilà la recette du média suisse Frapp. Lancé en décembre 2020, ce pure player ne cesse de se développer, avec près de 100’000 téléchargements de l’application et 14’500 abonnés sur son compte Instagram en avril 2024. Propriété de Radio Fribourg et de La Télé Vaud Fribourg, qui peuvent lui apporter des contenus journalistiques en plus des productions natives créées par sa rédaction web, Frapp compte deux journalistes professionnels, un journaliste stagiaire et une créatrice de contenus/community manager. Le média a également un mandat de gestion numérique des contenus de la radio francophone, notamment pour ses comptes Instagram et Facebook, en cherchant à mettre en valeur ses programmes, par exemple à l’aide d’extrait vidéo pour « teaser » une interview.

Alexia Nichele, journaliste chez Frapp depuis sa création et responsable de la rédaction depuis un an explique que les liens sont plus forts avec Radio Fribourg, qui diffuse en continu qu’avec La Télé, qui n’a qu’un journal le soir. Dans les cas où les deux médias couvrent le même sujet, la rédaction web se demande alors s’il y a une plus-value visuelle ou si elle privilégie d’abord la rapidité. « Dans le web, on a cette liberté : ce n’est pas grave si l’article n’est pas complet, on peut écrire « développement suit » dans le corps de texte, surtout quand c’est un peu breaking news. »

Un laboratoire pour les contenus natifs

À côté de ce travail d’adaptation, l’équipe de Frapp crée une à deux vidéos par semaine et plusieurs posts sur Instagram et Facebook, avec des liens vers les articles de l’app et du site web. « 40% de notre trafic vers l’application et le site vient d’Insta, ce n’est vraiment pas à négliger », précise Alexia Nichele. « C’est du contenu natif, mais on peut aussi récupérer les sons de la vidéo ou prendre des sons pour la radio, si on réalise un sujet en article qui peut se décliner à l’antenne : depuis deux ans, on leur apporte ainsi également notre force de travail. »

En termes d’inspiration, Alexia Nichele cite le média français Brut., que ce soit dans la forme (« on ne fait pas forcément des plans très léchés »), le format (« on va à la rencontre de la personne, on la suit dans son quotidien, dans son parcours de vie, dans son témoignage ») ou dans les thèmes abordés (« l’égalité des genres, la justice sociale, le féminisme »). A l’instar de Brut., les journalistes commencent aussi à se mettre en scène : « On n’a pas vraiment une ligne éditoriale rigide sur ce sujet de l’incarnation parce qu’on est encore un peu au stade de laboratoire, on essaye des trucs. »

Au tout début de Frapp, « on essayait de sortir des formats originaux, qu’on ne trouve nulle part ailleurs ; on était partis par exemple sur une série de Fribourgeoises et Fribourgeois inspirants qui sont peu médiatisés », avec des vidéos de plusieurs minutes. « C’était super, mais ça nous prenait beaucoup trop de temps pour l’équipe qu’on était et on a arrêté après quelques épisodes. On n’a pas annoncé « c’est la fin » parce que c’est aussi ce côté un peu décomplexé des médias en ligne où on ne va pas annoncer le début ou la fin d’un format : on fait, et puis c’est tout », se souvient-elle. La rédaction a finalement  tout misé sur la réactivité : « On est capable aujourd’hui d’aller immédiatement sur le terrain, si une personne est disponible. »

Miser sur la qualité ou la quantitié ?

Pour Alexia Nichele, cette réactivité propre au web est à la fois un atout et une limite : « On peut partir en reportage sans trop se soucier de savoir si ce sera prêt pour le journal de midi ou du soir, et on peut monter une vidéo en une heure. » Mais d’un autre côté, « la limite, c’est aussi qu’éditorialement, c’est difficile de garder le cap devant l’immensité des sujets qu’on peut faire et diffuser, parce que sur le web, la plateforme est toujours disponible. On parle souvent de FOMO (« Fear of missing out », ndlr) dans l’espace médiatique : on a peur de manquer quelque chose, et même temps, on est assailli tout le temps d’informations et ça, pour les journalistes web, c’est une vraie question », analyse-t-elle. La rédaction se demande ainsi souvent si elle doit miser sur la quantité ou la qualité : « Pour l’instant, on n’a pas tranché : ce n’est pas la qualité d’abord et on ne prend pas de risques. Des fois, on sort et puis on se rend compte que ce sujet, il ne valait pas la peine d’être couvert aussi ostensiblement qu’on l’a fait. »

Sophie Corpataux, la prédécesseuse d’Alexia Nichele jusqu’à la fin du mois de mars 2023, a présenté avant son départ de la rédaction, lors d’une conférence à l’Université de Neuchâtel, les différents formats sur lesquels le pure player s’appuie pour traiter de l’actualité régionale sur les réseaux sociaux. Bien que l’équipe de Frapp ne prétende pas « réinventer la poudre » et trouver à tout prix des formats innovants, elle en change la recette et tente de se démarquer en misant spécifiquement sur l’interaction avec ses abonnés.

Des contenus basés sur l’interaction avec la communauté

Afin de traiter l’actualité de son bassin local, Frapp s’appuie sur des sources d’informations traditionnelles telles que les conférences de presse ou encore les courriels reçus à la rédaction. Pourtant, le numérique a rebattu les cartes en apportant des sources issues de la veille des réseaux sociaux (« Qu’on le veuille ou non, les réseaux sociaux hébergent des histoires », rappelle Alexia Nichele), mais aussi de l’interaction avec la communauté Instagram (appels à témoignage, sondages d’opinion, etc.). Ainsi, de nouveaux formats basés sur l’interaction avec la communauté voient le jour, comme la série « Les meilleurs du canton de Fribourg », qui invite les lecteurs à indiquer par exemple quelle est leur pizzeria préférée.

« Vos photos de Fribourg sous la neige », titre Frapp à la suite de fortes chutes de neige survenues à la fin du mois de décembre 2022 en Suisse. Pour ce sujet, tout a commencé par la création d’une galerie photos. Un vidéaste a été envoyé sur le terrain afin de capturer les paysages enneigés du canton. La publication a rencontré un franc succès, ce qui a ravi Sophie Corpataux car « plus il y a d’interactions et plus on est porté par l’algorithme », souligne-t-elle. Ainsi, elle et son équipe ne se sont pas arrêtés là et ont demandé à leurs internautes d’envoyer leurs plus beaux clichés enneigés. Une fois l’expéditeur tagué sur sa photo, celui-ci peut la repartager, ce qui a tendance à accroître la visibilité du média.

Régionaliser l’actualité internationale

L’interaction avec le public ne s’arrête pas à l’actualité régionale. Évènement sportif, sujet « lifestyle » ou encore information internationale, Frapp tente de régionaliser l’actualité en se basant régulièrement sur l’interaction avec son public. C’est précisément la manière dont a opéré le média au lendemain du terrible séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie, le 6 février 2023. Comment régionaliser une information internationale et offrir un contenu original qui diffère de ce qui a été proposé par les autres médias jusque-là ? Sophie Corpataux et son équipe choisissent alors de se concentrer sur le canton de Fribourg et de lister les récoltes de dons. Afin de connaître la localisation de ces dernières, la communauté Instagram de Frapp est mobilisée à l’aide d’une story contenant une question et une boxe de réponses.

« Avec l’actualité régionale, on est dans la proximité, les personnes nous contactent facilement », confie Sophie Corpataux. Ces réponses ont été d’une aide précieuse pour le média qui a pu, dans un article mais également sur les réseaux sociaux, mettre en lumière les différents points de collecte et recueillir les témoignages des organisateurs. Sans la contribution de la communauté qui devient alors une actrice centrale, ces publications n’auraient pas pu voir le jour si rapidement.


Cet article est publié sous licence Creative Commons (CC BY-ND 4.0). Il peut être republié à condition que l’emplacement original (fr.ejo.ch) et les auteurs soient clairement mentionnés, mais le contenu ne peut pas être modifié.

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