Les nouveaux médias du Sud luttent pour leur survie

30 avril 2019 • Économie des médias, Récent • by

Pour de nombreuses start-up médiatiques, atteindre la viabilité financière est un défi de taille. Image: couverture du rapport « Fighting for Survival »

 

Durabilité et viabilité. Tels sont les défis de chaque nouveau média. Dans les pays du Sud, cette mission est d’autant plus compliquée. Non seulement faut-il trouver les ressources financières dans des économies émergentes, mais aussi faire face aux pressions politiques et garantir la sécurité physique des journalistes. Trois ans après un premier rapport, une nouvelle étude fait le point sur les startups journalistiques ayant survécu et leurs stratégies. 

« Le journalisme semble être commercialement viable en Occident, alors on suppose qu’il en va de même ailleurs. Or ce n’est pas vraiment le cas dans d’autres parties du monde, en particulier dans les économies en développement qui manquent d’assise ». Cette réflexion de Premesh Chandran, directeur du site d’information Malaysiakini, préface le nouveau rapport Fighting for Survival : Media Startups in the Global South.

Ce document examine les obstacles auxquels sont confrontés les médias des pays en développement. Il fait suite à une étude de 2015, Publishing for Peanuts, dans laquelle Anya Schiffrin, J.J. Robinson et Kristen Grennan – à l’époque tous professeurs à la School of International and Public Affairs de l’Université Columbia – avaient examiné 35 startups journalistiques dans des pays du Sud.

Trois ans plus tard, Schiffrin et une nouvelle équipe de collaborateurs ont repris ce travail et jeté un nouveau regard sur les expériences individuelles de ce groupe de « muckrackers » ou startup d’investigation. Ils ont exploré leurs stratégies de survie dans diverses circonstances politiques et économiques.

Parmi les projets interviewés par l’équipe figurent le Daily Maverick d’Afrique du Sud, le Center for Innovation and Technology du Zimbabwe, IHub du Kenya, 7iber de Jordanie, Himal Southasian du Sri Lanka ou encore El Daily Post du Mexique. La plupart de ces jeunes entreprises médiatiques dépendent principalement d’Internet et du mobile pour leur diffusion.

Survie et échec

Pour ce nouveau rapport, l’équipe de recherche a interrogé 21 médias qui avaient participé à l’étude de 2015 ainsi que cinq nouveaux acteurs. Elle a découvert que trois des médias initiaux avaient cessé d’exister, tandis que six avaient été sérieusement reconfigurés ou rebaptisés. Plusieurs raisons à cela : le principal défi auquel ont été confrontées la plupart des startups était la viabilité financière, mais également le risque politique et la sécurité physique des journalistes, particulièrement préoccupants s’agissant de nouveaux médias dans des pays comme le Mexique.

Nombre de jeunes médias ont dû faire face à une lutte continuelle pour trouver des sources de financement fiables. La nature instable des recettes publicitaires et du crowdfunding les a poussés à dépendre des dons comme principale source de financement. Mais le maintien de l’engagement des donateurs à long terme représente un nouveau type de défi. Six médias sur 17 qui ont répondu à la question de savoir si leurs revenus couvraient leurs dépenses ont répondu par la négative. Dix des médias interrogés avaient embauché du personnel dédié à la collecte de fonds et à la rédaction de demandes de subventions ou de bourses.

Viabilité et difficultés financières

Les auteurs du rapport préfèrent parler de viabilité plutôt que de durabilité pour décrire les perspectives de survie à long terme des startups journalistiques. Selon eux, dans le cadre de la durabilité, l’accent est mis sur la rentabilité du média, alors que la viabilité ne se limite pas à l’aspect purement financier – elle comprend également la perspective d’intégration du nouveau média dans sa communauté ; les jeunes médias interviewés étaient davantage motivés par le désir de servir leur communauté que par le désir de faire du profit. Cependant, de telles bonnes intentions ne suffisent pas à elles seules à garantir la survie.

Dans ce contexte, les auteurs ont pris en compte le rapport de Peter Deselaers, Kyle James, Roula Mikhael et Laura Schneider de la Deutsche Welle Akademie sur un modèle de promotion pour la viabilité de médias. Ce travail tient compte de cinq aspects différents de l’environnement médiatique (économique, politique, lié au contenu, technologique et lié à la communauté). Selon eux, les médias qui parviennent à trouver un équilibre entre ces différents éléments ont de meilleures chances de survie.

Stratégies et solutions

Le rapport préconise la création d’un organisme à l’échelle de l’industrie médiatique pour aider les petits et jeunes médias à acquérir des compétences en matière de collecte de fonds (y compris la collecte de fonds à l’échelle internationale). Il souligne également la nécessité d’une initiative mondiale de financement des médias et souligne le rôle inestimable joué par le Réseau international du journalisme d’investigation (GIJN) qui soutient les médias émergents en les aidant à concevoir des stratégies commerciales.

Les fondateurs et les rédacteurs en chef des startups eux-mêmes ont également quelques conseils à donner aux nouveaux venus dans le domaine. Plusieurs des personnes interviewées dans le rapport ont souligné l’importance de penser à la stratégie commerciale dès le premier jour et de se doter d’un plan financier à long terme. «Vous devez penser non pas à une seule source, mais à diverses sources de revenus. Il faut chercher des subventions, des bourses et pas seulement des recettes issues de la publicité ou de la vente. Il faut savoir que les projets prennent du temps à mûrir et avoir suffisamment de moyens financiers pour survivre. Smaller is better : il faut commencer petit, puis grandir au fur et à mesure des possibilités », résume Octavio Rivera López, ancien rédacteur en chef du quotidien mexicain El Daily Post, dont l’aventure s’est soldée par un échec et qui souhaite faire profiter les futurs nouveaux médias de son expérience.

Pour lire l’article original paru sur le site EJO anglophone, c’est ici.

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