Pour répondre à la crise qui touche les médias, le Membership Puzzle Project propose d’explorer le modèle de l’adhésion (membership). Son dernier rapport suggère des pistes de réflexion grâce à une approche originale : plutôt que d’étudier ce qui se fait déjà côté médias, le regard est porté sur d’autres secteurs qui expérimentent, parfois depuis des siècles, les questions d’engagement, de communauté et d’agir collectif.
Le développement d’une relation durable entre médias et publics, fondée sur la confiance et l’échange, est devenu un sujet de préoccupation majeur pour les médias, dans un contexte de crise multiple (de diffusion, des revenus publicitaires, de confiance, etc.). Toute une série d’acteurs se sont emparés de la question de l’engagement réciproque des médias et des publics :
- des projets de recherche (comme LINC, que nous développons à l’échelle européenne francophone) interrogent les ressorts de cet engagement ; certains développent également une dimension plus appliquée en accompagnant les médias dans cette mutation (comme l’Engaged Journalism Accelerator ou le Membership Puzzle Project) ;
- des entreprises proposent des outils et des dispositifs pour favoriser la participation, l’échange et l’écoute des publics ; citons Hearken, qui conçoit des interfaces de conversation et a organisé le tout récent Engagement Innovation Summit;
- enfin, des médias expérimentent à travers des dispositifs variés, des modalités d’engagement envers leurs publics (voir, pour les médias locaux d’Europe francophone, le recensement du projet LINC).
Le rapport What media can learn from other member-driven movements du Membership Puzzle Project offre un regard original sur ces questions en proposant de s’inspirer d’autres secteurs (comme les mouvements écologistes, les communautés open source, la science citoyenne et même la religion) ayant déjà expérimenté ces modèles ou étant confrontés aux mêmes questionnements et difficultés que les médias à l’égard de leurs publics. Quoi de commun entre la construction collaborative (et par des non spécialistes) d’une automobile, le déplacement et le réaménagement d’un avion au cœur du désert ou encore la participation à la plus vaste encyclopédie participative du monde ? Tous reposent sur un fort engagement des participants envers le projet, sur l’adhésion à des valeurs et visions communes, mais également sur des modèles organisationnels et économiques pensés de manière viable et durable.
Si le rapport fourmille d’exemples, nous avons choisi ici d’en offrir une lecture synthétique, en retenant quatre axes d’action pour penser les modèles de l’adhésion, de la participation et de l’engagement au sein des médias.
1. Devenir acteur du changement
-
Répondre aux crises et aux sentiments d’insatisfaction
Le rapport suggère que la mission des médias devrait s’inscrire dans un horizon d’attente qui dépasse leur traditionnel périmètre d’action. Crises politique, climatique, sociétale, etc., les médias devraient davantage s’impliquer dans les réponses apportées et devenir des acteurs incontournables de la quête de sens et d’action recherchée par les citoyens.
Le rapport insiste sur le fait que la création de valeur au sein des médias devrait répondre au sentiment croissant de « lien brisé » et d’insatisfaction profonde à l’égard du statu quo. Pour ce faire, le rapport conseille aux médias de « situer le travail de [leur] organisation dans un contexte mondial ou sociétal plus large » et de « [se] connecter à l’instant présent, à l’image d’ensemble ».
-
Passer du « pessimisme généralisé à l’optimisme exploitable»
Dans le contexte de crises et d’incertitude, les médias sont appelés à jouer un rôle nouveau, dépassant celui de transmetteurs ou médiateurs, pour devenir des acteurs, à part entière, de la recherche collective de solutions, en répondant au besoin de se sentir utile. Face au sentiment d’insatisfaction (voire d’impuissance), il convient de montrer que tout n’échappe pas à notre contrôle et que « grâce à la raison, au débat et aux efforts humains, nous pouvons encore résoudre les problèmes ».
Le Membership Puzzle Project appelle à passer du « pessimisme généralisé à l’optimisme exploitable ». Pour cela, il convient de transformer les mouvements de rupture envers les modèles et institutions actuels en une opportunité d’action collective. Même s’il n’est pas explicitement évoqué, le journalisme de solutions s’inscrit dans cette perspective et l’on comprend bien qu’il n’est pas un simple « journalisme des bonnes nouvelles » ou un « journalisme positif », comme l’a rappelé récemment Damien Allemand, responsable digital de Nice Matin.
-
Articuler l’individuel et le collectif
Afin de favoriser l’adhésion des publics à un projet éditorial, il est nécessaire, selon le rapport, de viser un but commun, qui transcende les intérêts, envies ou attentes individuels. Cette approche conduit à réfléchir à la manière dont les médias peuvent créer des collectifs et communautés, dont les membres partagent des objectifs, une vision voire un projet, bien au-delà, donc, du statut d’abonné ou de client qui est le plus souvent associé à l’audience d’un média.
Le rapport insiste sur ce point : il convient de repenser la manière de s’adresser aux individus et de trouver le juste équilibre entre une démarche purement commerciale centrée sur le produit et des avantages client (un cadeau, un rabais de X%, etc.) et de l’autre la défense d’une cause générale (« sauvez les baleines ! »). La clé résiderait dans un subtil mélange des deux : « Parvenir à ce ratio (ce qui est difficile car cela diffère souvent des méthodes et préceptes habituels du marketing) relève d’une recette secrète pour bon nombre des mouvements à succès que nous avons examinés, dans la façon dont ils envisagent la mission du membre, le « contrat social » et le discours qu’il l’accompagne ».
2. Favoriser la participation des publics
L’un des ressorts du modèle de l’adhésion réside dans une participation active et fructueuse de chacun. Le rapport du Membership Puzzle Project insiste sur la manière dont la participation permet de structurer une communauté et d’agir sur les mécanismes de fidélisation, une gageure pour les médias à l’ère du snacking informationnel généralisé.
-
Dépasser le modèle du journalisme participatif
Faire participer les publics à la co-construction de l’information n’est pas nouveau. Les médias s’y sont essayés, dès le début des années 2000 et l’émergence du « web 2.0 », à travers ce que l’on qualifie de « journalisme participatif ». Cette collaboration s’est pourtant avérée compliquée et a généré plus de résistances, déceptions et frustrations que de réelles plus-values. L’intégration d’« amateurs » au cœur du processus éditorial s’est confrontée à des pratiques et des organisations qui n’avaient guère été pensées pour cela. Les projets participatifs ont fini par décroître ou être cantonnés en périphérie de l’activité éditoriale principale.
Pour les tenants du modèle de l’adhésion, il faut réactiver le principe d’une participation des publics, en la réinventant. Le rapport suggère de l’étendre en dehors du cadre strictement éditorial : il faut plutôt envisager une palette diversifiée de modalités de participation, dont certaines peuvent aller au-delà de la production, diffusion, valorisation de l’information. Divers médias le font déjà : organiser des événements, des visites, des débats, etc. Attention toutefois : ces initiatives doivent faire sens par rapport au projet construit par le média et ne pas être de simples leviers marketing et commerciaux.
-
Proposer une participation non élitiste
L’un des écueils du journalisme participatif a été le développement d’un modèle globalement élitiste, dont l’accès était réservé à un public éduqué et expert (ainsi, pour tenir un blog, il faut un minimum de capacités rédactionnelles). Le modèle de l’adhésion appelle à briser l’idée qu’il faut des compétences spécifiques pour « participer à un média ». Le parallèle avec la science et les exemples de recherche participative pour laquelle tout un chacun peut s’investir, sans formation scientifique préalable, est particulièrement intéressant. Le rapport cite notamment le collectif Extreme Citizen Science de la University College London. Le groupe œuvre à « permettre à toute communauté, indépendamment de son niveau d’alphabétisation, d’utiliser des méthodes et des outils scientifiques pour recueillir, analyser, interpréter et utiliser des informations sur son domaine et ses activités ».
-
Imaginer une participation diversifiée et modulable
Pour favoriser une participation ouverte à tous, les médias devraient sortir d’un modèle unique pour envisager plutôt un continuum d’opportunités s’adaptant aux publics, à leurs moyens, à leurs compétences, à leurs attentes. Le rapport cite les modèles développés par le numérique, le mouvement Open Source et notamment Wikipédia qui proposent une palette de participation des plus actives aux plus passives. Dans les projets de science participative, les modalités d’engagement s’échelonnent également selon le degré d’expertise et d’implication : du citoyen capteur au collaborateur impliqué dans la recherche en passant par les étapes d’interprétation basiques des données recueillies à la participation à la définition du problème et de la méthode de collecte.
Les médias devraient donc proposer des degrés d’engagement et d’investissement multiples et flexibles. Cela permettrait de dépasser la dichotomie « membre » / « non membre » ou « contributeur » / « non contributeur » en créant un programme de participations, des moins aux plus impliquantes et couvrant divers domaines d’intervention.
-
Inventer des modèles de contribution pas uniquement pécuniaires
Si l’une des préoccupations centrales du Membership Puzzle Project est la viabilité économique du modèle de l’adhésion (voir 4e partie), ils insistent : la contribution des publics ne doit pas être cantonnée à la dimension financière (modèle du « client »). D’autres modalités de participation doivent être proposées (et auront parfois une valeur bien supérieure à une contribution sous forme d’argent) : cela peut être l’expertise des publics, le temps qu’ils peuvent accorder à des actions, leurs idées, leur énergie, leurs contacts, etc. Cette forme de contribution serait même vertueuse : « Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, demander aux membres de donner plus que de l’argent renforce leur engagement envers la cause. Cela ajoute à leur connexion et à leur sens de la valeur, même s’ils demandent à « dépenser » davantage ».
L’idée d’adapter la participation aux compétences et moyens (culturels, intellectuels, financiers, etc.) des publics est très stimulante. Elle offre notamment des perspectives pour les publics les moins aisés, souvent exclus de l’accès à une information payante (et les premiers affectés par l’installation de déserts informationnels) et pour lesquels il faut inventer des « voies d’accès à l’adhésion ». Dans certains modèles explorés dans le rapport, les gens qui donnent de leur temps paient moins pour le produit final. Une idée à creuser pour les médias ?
3. Développer de nouvelles pratiques, compétences et organisations
S’orienter vers un modèle de la participation et du membership a des implications importantes pour une entreprise ou une institution et nécessite des ajustements dans son organisation, ses processus et ses pratiques internes.
-
Être à l’écoute de ses publics
Premier changement de paradigme pour les médias : la nécessité absolue d’être à l’écoute de leurs publics. Le rapport souligne la priorité accordée, dans les organisations étudiées, à l’écoute des capacités, des objectifs, des limites et des modes de vie des gens. Cette prise en compte permet d’imaginer des modalités de participation plus efficientes.
Pour ce faire, il ne suffit pas de « supposer » ce que les gens veulent, mais de développer des manières de sonder et analyser les attentes, par une démarche empathique et ouverte au changement. Le secret résiderait dans l’attention portée à ce que les gens font déjà, dans leur quotidien, pour chercher à s’y adapter voire à amplifier les phénomènes jugés les plus intéressants. Le rapport cite l’exemple du projet Vinyl Me Please, qui organise des soirées d’écoute simultanées partout dans le monde et qui, pour ce faire, s’est appuyé sur des événements et des pratiques déjà à l’œuvre.
Cette insertion dans des pratiques, actions et communautés existantes est une piste intéressante pour les médias dans le contexte de déconnexion et de défiance régulièrement rappelé.
-
S’accorder avec les intérêts de la communauté
Pour être à l’écoute, il faut interagir, échanger, souvent de façon informelle. « Les organisations qui communiquent régulièrement avec leurs membres actuels et potentiels sont plus facilement en mesure d’identifier les voies de participation qui seront utiles de part et d’autre. Elles sont en mesure de connaître l’appétit des membres pour la participation, de façon informelle (lors d’une rencontre autour d’un café) ou formelle (y compris via un sondage auprès d’utilisateurs intéressés à connaître les types de participation que vous pouvez offrir) ».
Cette écoute vise également à mieux connaître les capacités et domaines d’action de ses membres afin de pouvoir éventuellement formuler des demandes ciblées et personnalisées. Le rapport cite l’exemple de De Correspondent qui demande à ses lecteurs de faire connaître leur expertise en vue de sollicitations pour relire des articles ou participer à des conversations pertinentes sur le site.
Le rapport insiste sur la fonction de « jumelage » qui permet de faire correspondre les domaines d’expertises, les passions ou les attentes des membres à des possibilités de participation spécifiques offertes par l’organisation. Il s’agit en quelque sorte de personnaliser la participation partant du constat que l’adhésion sera renforcée si les envies et motivations des contributeurs coïncident avec ce que propose l’institution. Dans de nombreux cas étudiés par les chercheurs du Membership Puzzle Project, ce rôle est endossé par une personne spécifiquement consacrée à cela au sein de l’organisation. Une piste sans doute à explorer plus avant par les médias. Certains labellisent déjà, au sein de leur rédaction, une fonction dédiée aux liens avec les publics et à l’engagement (citons notamment Médiacités, La Montagne, Le Temps, etc.).
-
Utiliser des relais au sein de la communauté
Plus encore que d’être à l’écoute et d’interagir avec sa communauté, le rapport suggère d’en faire un acteur à part entière de l’organisation et de s’appuyer dessus pour étendre son rayon d’action.
Quelques pistes sont proposées, comme le mentorat (ou parrainage), qui vise à mettre en lien des membres récents avec d’autres plus expérimentés qui pourront les accueillir, les intégrer et les orienter. Dans ce cas, les membres de la communauté sont garants des normes et deviennent des sortes d’ambassadeurs. Cette formule existe déjà à l’échelle des médias, notamment dans des communautés créées au travers de groupes Facebook (par exemple à l’échelle de villages ou quartiers), initiées par des médias mais dont la régulation quotidienne est déléguée à des utilisateurs spécifiques (c’est le cas pour la télévision locale belge MaTélé).
Le rapport insiste sur l’importance d’établir ces normes en concertation voire en co-création avec la communauté, pour éviter une transmission top-down. Il ne s’agit toutefois pas de déléguer une partie du travail journalistique qui ne pourrait pas être réalisé au sein de la rédaction (pour cause de désintérêt de ces tâches ou de réduction des coûts), mais bien de construire avec les membres de la communauté un projet commun, d’en élaborer ensemble les règles et de valoriser l’implication des membres extérieurs au média.
-
Développer des approches plus agiles
Travailler conjointement avec une communauté et optimiser les relations avec ses contributeurs et membres nécessite de modifier ses manières de faire et notamment d’adopter des approches plus agiles. « Agiles » au sens où l’entendent les méthodes de gestion de projet qui intègrent la connaissance et les retours de l’utilisateur final dans le processus de création.
Deux pistes sont esquissées dans le rapport du Membership Puzzle Project :
- mettre en place des « métriques de contribution », permettant notamment de gérer au mieux la participation de la communauté, avec un niveau de granularité fin, à l’échelle de chaque individu la constituant ;
- utiliser les outils de gestion de projet comme le kanban board (un tableau sur lequel on décline les tâches d’un projet en trois phases : à faire, en cours et terminée) pour intégrer les membres de la communauté dans des processus de co-création (et non des moindres puisque l’exemple mis en avant dans le rapport est le projet WikiSpeed, ou la création de voitures modulables et open source par une communauté d’« amateurs », dans le domaine de l’automobile en tout cas).
4. Inscrire l’adhésion des publics dans un projet durable et économiquement viable
Dernier point, et non des moindres, le rapport du Membership Puzzle Project se propose de réfléchir à la manière d’inscrire ces pratiques intégratives vis-à-vis des publics dans un projet durable et économiquement viable. Dans un contexte de crise économique des médias, cette articulation entre engagement et business model ouvre un champ d’étude et d’expérimentation particulièrement stimulant.
-
Favoriser une croissance intentionnelle
L’une des pistes les plus stimulantes sur l’adéquation entre modèle de l’adhésion et business model consiste à penser un engagement durable, par opposition à la recherche d’une croissance rapide, en fondant les actions sur l’humain et la qualité plus que sur la masse et la quantité.
Le rapport plaide pour un modèle de croissance à échelle humaine, c’est-à-dire permettant toujours de garantir une capacité à servir ses membres, selon le « contrat » initial. On touche là à une différence centrale avec le modèle classique de la vente ou de l’abonnement : les programmes d’adhésion ont des limites naturelles qu’ils ne peuvent dépasser sans remettre en cause leur fondement même. Il convient donc de rechercher une croissance « intentionnelle » et maîtrisée, par opposition à une croissance rapide et illimitée. Le « plus n’est pas synonyme du mieux » martèlent les auteurs du rapport.
Cela peut conduire une organisation à limiter stratégiquement sa croissance pour s’assurer que la valeur reçue par chaque membre n’est pas affaiblie ou diluée.
-
Identifier des critères pour favoriser une croissance qualitative (et non uniquement quantitative)
Tabler sur un développement à échelle humaine implique de développer des indicateurs de croissance spécifiques, davantage axés sur l’humain et la qualité, plus que la quantité. Il s’agira donc de mesurer la bonne santé de sa communauté, son engagement, sa fidélité et l’impact sociétaux, culturels, politiques, etc. du média plus que les taux de clics, de visites ou la portée publicitaire des contenus.
Quelques paramètres méritent d’être suivis :
- la fidélisation des utilisateurs ;
- le nombre de nouveaux membres de la communauté atteints et engagés ;
- la diversité tant au sein des participants que des membres de l’organisation ;
- la conception et la mise à l’épreuve de nouvelles manières de travailler ;
- l’identification et la mise à l’essai de nouvelles voies de participation pour les membres de la communauté ;
- la probabilité d’engagement au sein de la communauté et les interactions récurrentes ;
- des impacts mesurables générés (sur la société, des politiques publiques, etc.) ;
- la volonté de partager les succès et les difficultés avec d’autres organisations, ainsi que l’engagement envers ceux qui sont critiques au sujet de vos méthodes ;
- la maturité (à la fois la pérennité de la communauté et le comportement des dirigeants de l’organisation).
-
Maximiser la participation et se doter d’outils de gestion
Dernier conseil : opter pour un modèle plus participatif nécessite des ressources (notamment humaines) et des réorganisations non négligeables. Il est donc important de chercher à maximiser cette participation afin de la rendre la plus efficiente possible, tant pour l’organisation que pour les individus. Car pour ces derniers également, c’est un investissement et un coût (en temps voire en argent) qu’il faut pouvoir « rentabiliser ». « Une partie essentielle de la proposition de valeur de la participation est d’aider les contributeurs à maximiser leur temps et leur énergie limités, là où cela peut faire le plus de bien », résument les auteurs du rapport.
Il peut être utile pour cela de recourir à des outils de maximisation et de traçabilité de la participation, par exemple pour cibler les personnes les plus à mêmes de contribuer à telle ou telle action. C’est le modèle adopté par De Correspondent, aux Pays-Bas : « Nous voulons savoir ce que nos lecteurs savent, de sorte que lorsque nous couvrons un sujet avec lequel ils ont de l’expérience, nous puissions leur en faire part. C’est pourquoi nous avons besoin d’un CRM [outil de gestion de la relation client] pour les journalistes – une version nouvelle et améliorée du bon vieux Rolodex ».
Finalement, à quoi pourrait ressembler le modèle de l’adhésion dans les médias ?
Si le rapport ne se focalise pas spécifiquement sur ce que font déjà les médias, des préconisations ou des pistes à explorer sont proposées, tirées de l’observation de nombreux autres domaines. Sont notamment mises en avant diverses modalités d’engagement telles que :
- l’organisation et l’animation d’événements pour et avec la communauté des membres ;
- des actions d’intérêt général ;
- des performances artistiques ;
- du soutien entre utilisateurs (aide aux moins aguerris, comme dans les communautés open source) ;
- la conception et le développement de logiciels ou d’outils avec la communauté ;
- l’accès en avant-première à de nouvelles fonctionnalités (avec retours sur les tests) ;
- la collecte de données par les utilisateurs ;
- les appels à contributions et défis lancés à la communauté ;
- un rôle de préservation des règles et normes au sein de la communauté.
Notre propre projet de recherche, LINC, montre que nombre de ces modes de participation sont déjà bien expérimentés par les médias (voir le recensement de près de 300 initiatives répertoriées à ce jour). Mais l’une des questions centrales que posent ces listes d’actions et initiatives est leur degré d’intégration dans les pratiques des journalistes, l’organisation des rédactions, la définition des projets éditoriaux, etc.
Le rapport du Membership Puzzle Project confirme l’intuition que les modèles de la participation et de l’engagement doivent s’inscrire dans (voire générer) une démarche plus globale. Cette perspective invite ainsi à faire la différence entre la mise en place d’initiatives isolées ou conjoncturelles et une réflexion plus profonde sur un positionnement favorisant l’engagement et l’adhésion des publics, avec pour objectif de créer une communauté pérenne partageant une vision et des valeurs communes. Une finalité qui implique de redéfinir des manières de faire, de penser et de s’organiser.
Cet article est publié sous licence Creative Commons (CC BY-ND 4.0). Il peut être republié à condition que l’emplacement original (fr.ejo.ch) et les auteures soient clairement mentionnés, mais le contenu ne peut pas être modifié.
Tags: adhésion, économie des médias, membership, participation, publics, rapport
[…] J’en profite pour partager cet article de Nathalie Pignard-Cheynel: Adhésion, participation, engagement des publics : des modèles venus d’ailleurs pourraient inspir…. […]
[…] des subventions attribuées par des organisations internationales, par exemple, 31’000€ du Membership Puzzle Project pour #DansMaVille, 50’000€ de l’European Journalism Centre pour Radar, 5’000$ […]
[…] Adhésion, participation, engagement des publics : des modèles venus d’ailleurs pourraient inspir… […]