Le numérique rend possible la conversation d’égal à égal entre les journalistes et les lecteurs. Photo de Austin Distel via Unsplash
Du modèle broadcast, les médias d’information ont dû passer à une logique en réseau avec leurs audiences pour chercher à produire de plus en plus de contenus co-construits en vue d’entretenir une relation directe avec leurs publics. Parce que le journalisme conversationnel offre une alternative aux espaces de parole sur les plateformes, il représente une aubaine pour la liberté d’expression.
Le numérique rend possible le participatif à grande échelle, en pratique, la conversation d’égal à égal entre les journalistes et les lecteurs. Mais, sur les sites des médias d’information ou sur les réseaux sociaux, les espaces dévolus aux commentaires de lecteurs donnent bien souvent à lire une prose désinhibée, pour le meilleur et pour le pire.
Il est même avéré que certains visiteurs et utilisateurs commentent sans avoir lu l’article qu’ils prétendent commenter, pour le simple plaisir de prendre part à une joute verbale anonyme et virtuelle. Le lecteur peut être un abonné papier ou numérique, un utilisateur de Facebook qui voit un post d’un éditeur. D’où le fait que les journalistes soient souvent a priori peu enthousiastes à l’idée d’inventer des modèles narratifs qui permettent de passer du récit à la conversation.
Et pourtant, les médias sont contraints de chercher à répondre à une logique sociétale plus horizontale. Du modèle broadcast, ils ont dû passer à une logique en réseau avec leurs audiences pour chercher à produire de plus en plus de contenus co-construits en vue d’entretenir une relation directe avec leurs publics. Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce schéma horizontal n’exclut pas le rôle du journaliste, bien au contraire : son jugement exercé, rejette, choisit, combine.
Horizontalité intermédiée
« L’objectif du projet «Hyperlien» est de mieux comprendre vos attentes et de présenter le métier de journaliste pour plus de transparence. », annonce le quotidien suisse Le Temps. Sur sa page d’accueil, la verticale Hyperlien rend raison des choix éditoriaux du Temps, présente des making of, partage des réactions de lecteurs sur certains de ses articles ouverts aux commentaires, fait état de ses engagements et annonce des événements. Montrer, justifier, inciter : Hyperlien est un méta-journal en ligne dont la fonction est de créer une médiation personnalisée et quotidienne entre le journal d’actualité et sa cible.
Florian Delafoi, journaliste au Temps, pilote Hyperlien, estime qu’il y’a tout à gagner à parier sur la transparence et la proximité avec les lecteurs. Cette médiation conversationnelle entre la narration de l’événement et sa réception est cruciale. « Le défi est d’inventer de nouvelles écritures conversationnelles », nous explique Florian Delafoi.
Ainsi, par exemple, Le Temps a lancé un concours de nouvelles. « L’imagination de nos lecteurs et lectrices devait reposer sur deux objets qui trônent sur un meuble de la rédaction : une paire de lunettes et une cigarette. Notre rédaction a reçu près de 90 textes et 10 ont été sélectionnés par un panel de journalistes », détaille-t-il.
Dans une démarche analogue, en janvier 2021, Le Monde a créé un poste de directeur délégué aux relations avec ses lecteurs. C’est à Gilles van Kote qu’est confiée cette mission, laquelle vient renforcer « Projet Trust ».
La relation aux lecteurs se manifeste notamment à travers des événements, mais aussi à travers les relations avec la Société des lecteurs du Monde, avec l’initiative de sa présidente Julia Cagé, qui a lancé « Un bout du Monde », une association qui a pour but de permettre aux lecteurs et aux journalistes de jouer un rôle dans la gouvernance des médias.
Construire une expression libre
In fine, le but est de créer une communauté de lecteurs assidus et de les installer dans une relation temporelle privilégiée avec le média. Il s’agit autrement dit de récompenser l’attention des lecteurs les plus assidus pour renforcer leur fidélité.
Une proximité en temps réel avec les cibles de plus en plus mouvantes permet aux rédactions de mieux comprendre ce que les lecteurs pensent des sujets abordés. Dans le flux de commentaires, il y a pour chaque article au moins un lecteur qui formule une question de manière pertinente, qui met l’accent sur un aspect que l’article n’a pas abordé ou qui apporte un élément précis d’expertise.
Et, il y a une autre vertu du journalisme conversationnel : il offre une alternative aux espaces de parole sur les plateformes. La controverse entre Facebook et Twitter sur la question de savoir comment modérer les contenus sur les plateformes — par des signalements de messages, voire un bannissement des utilisateurs qui enfreignent les règles, a culminé avec le bannissement de Donald Trump par Twitter. A cet égard, la mise en place d’espaces conversationnels pensés et structurés par les journalistes eux-mêmes apporte une solution à l’exercice de la liberté d’expression. La question : « comment modérer les immodérés ? » posée par les plateformes mène à une impasse. Faire taire ou laisser dire. Sur Twitter, le signalement permet de rendre invisibles des contenus ou comptes jugés offensants. La logique est binaire : visible ou invisible.
Un média invite à produire et à partager des contenus de lecteurs de manière développée et nuancée. Il invite à transformer ce qui était au départ un contenu de lecteur en discussion éclairée, voire en future enquête. « Il peut arriver qu’un échange avec les lecteurs débouche sur un sujet d’enquête », assure Florian Delafoi.
La circularité est vertueuse : le terrain (les lecteurs) conduit au terrain (d’enquêtes) via la médiation de l’écriture/lecture de l’information. Le journalisme conversationnel, en ce sens, constitue une liberté d’expression qui se construit chemin faisant et qui est elle-même constructive en ce sens qu’elle engage un journal à gagner en pertinence dans ses contenus.
Entretien avec Pierre Leibovici, journaliste et responsable de la mobilisation des lectrices et des lecteurs de Mediacités
Quelles pratiques conversationnelles avez-vous cherché à expérimenter cette année ? Avez-vous une équipe dédiée ?
Pierre Lebovici : En 2020, nous avons lancé plusieurs formats éditoriaux pour engager nos publics :
- Radar, notre application web pour contrôler l’action des élus locaux. Les internautes sont appelés à faire deux choses : nous alerter si la promesse d’un·e élue de leur ville/métropole a avancé ou reculé ; et numériser les éléments clés des votes des conseils municipaux et métropolitains. Tout est résumé ici.
- #DansMaVille, notre plateforme d’enquêtes collaboratives. Nous faisons appel aux lectrices et lecteurs pour leur demander de nous dire ce qu’ils·elles veulent savoir sur un sujet qui concerne nos 4 villes. Nous en appelons également à leurs questions et à leur expertise, utilisée dans les articles de Mediacités sur le sujet. La première série #DansMaVille a porté sur la gentrification (décembre 2019/janvier 2020) et s’est conclue par 4 événements physiques. La seconde série a porté sur la transformation de nos villes à l’issue du premier confinement : les suggestions du public nous ont amené à produire 14 enquêtes de solutions.
- « Nos villes à l’heure du coronavirus » : une plateforme qui reprend les principales fonctionnalités de #DansMaVille et qui a été récompensée par le Prix Innov 2020 franceinfo/Les Echos du festival Médias en Seine
- Veracités : les réponses de la rédaction de Mediacités aux questions du public (abonné·e·s et non-abonné·e·s peuvent poser des questions).
Une personne (moi-même) est dédiée à temps plein à la stratégie d’engagement et l’animation de ces différents projets.
Quel budget cela représente-t-il ?
Il faut prendre en compte d’une part les dépenses de salaire pour mon poste et de l’autre les dépenses techniques : le développement web de ces outils sur-mesure est coûteux mais amorti sur le long terme. Il est la plupart du temps permis par des subventions attribuées par des organisations internationales, par exemple, 31’000€ du Membership Puzzle Project pour #DansMaVille, 50’000€ de l’European Journalism Centre pour Radar, 5’000$ du Solutions Journalism Network pour #DansMaVille consacré aux enquêtes de solutions.
Quels sont vos médias sociaux de prédilection pour engager une conversation avec les lecteurs potentiels ?
Nous nous reposons globalement très peu sur les réseaux sociaux pour créer cette « conversation » : nous ne souhaitons pas obtenir des « commentaires » du public en réaction à nos articles une fois que ceux-ci ont été publiés. Nous préférons l’impliquer dès le début du processus éditorial, au moment où la décision d’écrire un article sur tel ou tel sujet est prise. D’où des outils d’engagement sur-mesure que nous avons développés sur notre site, les réseaux sociaux restant un vecteur pour les promouvoir.
Cela dit, nous avons expérimenté très récemment un nouveau format d’émission en ligne : le #DébatRadar. Les internautes sont appelé·e·s à poser des questions à nos invité·e·s sur un plateau virtuel au sujet d’une promesse phare de leur municipalité. Un exemple à Lyon sur une promesse liée à l’alimentation dans les cantines scolaires. Ce format a donné lieu à environ 70 commentaires et questions recueillies sur Facebook Live et Youtube (nous y diffusons en simultané), ce qui est très satisfaisant compte tenu de nos audiences sur ces plateformes.
De nouvelles plateformes et/ou nouveaux outils numériques vous ont-ils permis d’innover ?
Nous nous reposons de plus en plus sur Airtable pour nos projets participatifs. Sans aller jusqu’à créer un « CRM de l’engagement », Airtable nous permet de recenser toutes les contributions du public et de gérer leur réutilisation (doit-on y donner suite ? Qui s’en charge ? etc.). Un tableur collaboratif visuel essentiel quand nous sommes plusieurs à travailler sur des centaines de contributions du public.
Êtes-vous en mesure de dresser un premier retour d’expérience ? Une hausse de fréquentation de votre site et d’achats d’articles sur le paywall, des conversions vers des abonnements ?
Nous n’avons pas les indicateurs suffisants aujourd’hui pour affirmer que ces projets participatifs ont mené à plus d’abonnements ou plus de visites que des articles « traditionnels ». À l’heure actuelle, les chiffres d’offres d’abonnement découverte sont équivalents sur des enquêtes « classiques » et sur des enquêtes participatives. Cela dit, quand on leur demande ce qui les a poussés à s’abonner, 28% des personnes nouvellement abonnées déclarent : « La possibilité de déclencher ou de contribuer à nos enquêtes » (sondage auprès de 1771 personnes nouvellement abonnées entre octobre 2019 et octobre 2020).
Il faut aussi dire que ces projets d’engagement accompagnent une démarche globale de Mediacités de sortir d’une relation purement transactionnelle avec nos publics. Nous disons à nos lectrices et à nos lecteurs : vous pouvez nous aider financièrement (et nous en avons besoin !), mais vous pouvez aussi nous aider à parler des sujets qui comptent pour vous, en prenant un peu de temps pour participer à la fabrication de nos articles.
En ce qui me concerne, un lecteur qui paie un abonnement pour soutenir notre média a autant de « valeur » qu’une personne nous faisant part de ses préoccupations afin que Mediacités enquête dessus. Car c’est aussi en produisant l’information qui préoccupe les citoyens (et pas seulement les journalistes enfermés dans leur conférence de rédaction) que nous pourrons contrer le procès en « déconnexion » et, à terme, convaincre de nouvelles personnes de s’abonner.
Les deux confinements ont-ils été un accélérateur de contacts avec vos publics ?
Définitivement, oui ! Nous avons lancé deux formats participatifs intégralement liés au Covid-19 : « Nos villes à l’heure du coronavirus » et « Transformons nos villes après le coronavirus ».
Par ailleurs, l’application Radar a été financée grâce à une subvention mise en place par l’European Journalism Centre en réaction à la crise du Covid-19. Alors que la défiance envers les politiques et les médias s’accentue et que certain·e·s élu·e·s pourraient être tenté·e·s d’abuser de leurs pouvoirs, Radar propose une réponse concrète au manque de transparence des institutions. Je pense qu’en faisant vivre la démocratie chaque jour, plutôt qu’une fois tous les six ans lors d’une élection municipale, on se donne les moyens de tisser des liens inédits et solides avec nos publics.
Cet article est publié sous licence Creative Commons (CC BY-ND 4.0). Il peut être republié à condition que l’emplacement original (fr.ejo.ch) et les auteures soient clairement mentionnés, mais le contenu ne peut pas être modifié.
Le journalisme conversationnel ou la construction d’une liberté d’expression constructive
25 janvier 2021 • Formats et pratiques, Innovation et numérique, Récent • by Clara Schmelck
Le numérique rend possible la conversation d’égal à égal entre les journalistes et les lecteurs. Photo de Austin Distel via Unsplash
Du modèle broadcast, les médias d’information ont dû passer à une logique en réseau avec leurs audiences pour chercher à produire de plus en plus de contenus co-construits en vue d’entretenir une relation directe avec leurs publics. Parce que le journalisme conversationnel offre une alternative aux espaces de parole sur les plateformes, il représente une aubaine pour la liberté d’expression.
Le numérique rend possible le participatif à grande échelle, en pratique, la conversation d’égal à égal entre les journalistes et les lecteurs. Mais, sur les sites des médias d’information ou sur les réseaux sociaux, les espaces dévolus aux commentaires de lecteurs donnent bien souvent à lire une prose désinhibée, pour le meilleur et pour le pire.
Il est même avéré que certains visiteurs et utilisateurs commentent sans avoir lu l’article qu’ils prétendent commenter, pour le simple plaisir de prendre part à une joute verbale anonyme et virtuelle. Le lecteur peut être un abonné papier ou numérique, un utilisateur de Facebook qui voit un post d’un éditeur. D’où le fait que les journalistes soient souvent a priori peu enthousiastes à l’idée d’inventer des modèles narratifs qui permettent de passer du récit à la conversation.
Et pourtant, les médias sont contraints de chercher à répondre à une logique sociétale plus horizontale. Du modèle broadcast, ils ont dû passer à une logique en réseau avec leurs audiences pour chercher à produire de plus en plus de contenus co-construits en vue d’entretenir une relation directe avec leurs publics. Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce schéma horizontal n’exclut pas le rôle du journaliste, bien au contraire : son jugement exercé, rejette, choisit, combine.
Horizontalité intermédiée
« L’objectif du projet «Hyperlien» est de mieux comprendre vos attentes et de présenter le métier de journaliste pour plus de transparence. », annonce le quotidien suisse Le Temps. Sur sa page d’accueil, la verticale Hyperlien rend raison des choix éditoriaux du Temps, présente des making of, partage des réactions de lecteurs sur certains de ses articles ouverts aux commentaires, fait état de ses engagements et annonce des événements. Montrer, justifier, inciter : Hyperlien est un méta-journal en ligne dont la fonction est de créer une médiation personnalisée et quotidienne entre le journal d’actualité et sa cible.
Florian Delafoi, journaliste au Temps, pilote Hyperlien, estime qu’il y’a tout à gagner à parier sur la transparence et la proximité avec les lecteurs. Cette médiation conversationnelle entre la narration de l’événement et sa réception est cruciale. « Le défi est d’inventer de nouvelles écritures conversationnelles », nous explique Florian Delafoi.
Ainsi, par exemple, Le Temps a lancé un concours de nouvelles. « L’imagination de nos lecteurs et lectrices devait reposer sur deux objets qui trônent sur un meuble de la rédaction : une paire de lunettes et une cigarette. Notre rédaction a reçu près de 90 textes et 10 ont été sélectionnés par un panel de journalistes », détaille-t-il.
Dans une démarche analogue, en janvier 2021, Le Monde a créé un poste de directeur délégué aux relations avec ses lecteurs. C’est à Gilles van Kote qu’est confiée cette mission, laquelle vient renforcer « Projet Trust ».
La relation aux lecteurs se manifeste notamment à travers des événements, mais aussi à travers les relations avec la Société des lecteurs du Monde, avec l’initiative de sa présidente Julia Cagé, qui a lancé « Un bout du Monde », une association qui a pour but de permettre aux lecteurs et aux journalistes de jouer un rôle dans la gouvernance des médias.
Construire une expression libre
In fine, le but est de créer une communauté de lecteurs assidus et de les installer dans une relation temporelle privilégiée avec le média. Il s’agit autrement dit de récompenser l’attention des lecteurs les plus assidus pour renforcer leur fidélité.
Une proximité en temps réel avec les cibles de plus en plus mouvantes permet aux rédactions de mieux comprendre ce que les lecteurs pensent des sujets abordés. Dans le flux de commentaires, il y a pour chaque article au moins un lecteur qui formule une question de manière pertinente, qui met l’accent sur un aspect que l’article n’a pas abordé ou qui apporte un élément précis d’expertise.
Et, il y a une autre vertu du journalisme conversationnel : il offre une alternative aux espaces de parole sur les plateformes. La controverse entre Facebook et Twitter sur la question de savoir comment modérer les contenus sur les plateformes — par des signalements de messages, voire un bannissement des utilisateurs qui enfreignent les règles, a culminé avec le bannissement de Donald Trump par Twitter. A cet égard, la mise en place d’espaces conversationnels pensés et structurés par les journalistes eux-mêmes apporte une solution à l’exercice de la liberté d’expression. La question : « comment modérer les immodérés ? » posée par les plateformes mène à une impasse. Faire taire ou laisser dire. Sur Twitter, le signalement permet de rendre invisibles des contenus ou comptes jugés offensants. La logique est binaire : visible ou invisible.
Un média invite à produire et à partager des contenus de lecteurs de manière développée et nuancée. Il invite à transformer ce qui était au départ un contenu de lecteur en discussion éclairée, voire en future enquête. « Il peut arriver qu’un échange avec les lecteurs débouche sur un sujet d’enquête », assure Florian Delafoi.
La circularité est vertueuse : le terrain (les lecteurs) conduit au terrain (d’enquêtes) via la médiation de l’écriture/lecture de l’information. Le journalisme conversationnel, en ce sens, constitue une liberté d’expression qui se construit chemin faisant et qui est elle-même constructive en ce sens qu’elle engage un journal à gagner en pertinence dans ses contenus.
Entretien avec Pierre Leibovici, journaliste et responsable de la mobilisation des lectrices et des lecteurs de Mediacités
Quelles pratiques conversationnelles avez-vous cherché à expérimenter cette année ? Avez-vous une équipe dédiée ?
Pierre Lebovici : En 2020, nous avons lancé plusieurs formats éditoriaux pour engager nos publics :
Une personne (moi-même) est dédiée à temps plein à la stratégie d’engagement et l’animation de ces différents projets.
Quel budget cela représente-t-il ?
Il faut prendre en compte d’une part les dépenses de salaire pour mon poste et de l’autre les dépenses techniques : le développement web de ces outils sur-mesure est coûteux mais amorti sur le long terme. Il est la plupart du temps permis par des subventions attribuées par des organisations internationales, par exemple, 31’000€ du Membership Puzzle Project pour #DansMaVille, 50’000€ de l’European Journalism Centre pour Radar, 5’000$ du Solutions Journalism Network pour #DansMaVille consacré aux enquêtes de solutions.
Quels sont vos médias sociaux de prédilection pour engager une conversation avec les lecteurs potentiels ?
Nous nous reposons globalement très peu sur les réseaux sociaux pour créer cette « conversation » : nous ne souhaitons pas obtenir des « commentaires » du public en réaction à nos articles une fois que ceux-ci ont été publiés. Nous préférons l’impliquer dès le début du processus éditorial, au moment où la décision d’écrire un article sur tel ou tel sujet est prise. D’où des outils d’engagement sur-mesure que nous avons développés sur notre site, les réseaux sociaux restant un vecteur pour les promouvoir.
Cela dit, nous avons expérimenté très récemment un nouveau format d’émission en ligne : le #DébatRadar. Les internautes sont appelé·e·s à poser des questions à nos invité·e·s sur un plateau virtuel au sujet d’une promesse phare de leur municipalité. Un exemple à Lyon sur une promesse liée à l’alimentation dans les cantines scolaires. Ce format a donné lieu à environ 70 commentaires et questions recueillies sur Facebook Live et Youtube (nous y diffusons en simultané), ce qui est très satisfaisant compte tenu de nos audiences sur ces plateformes.
De nouvelles plateformes et/ou nouveaux outils numériques vous ont-ils permis d’innover ?
Nous nous reposons de plus en plus sur Airtable pour nos projets participatifs. Sans aller jusqu’à créer un « CRM de l’engagement », Airtable nous permet de recenser toutes les contributions du public et de gérer leur réutilisation (doit-on y donner suite ? Qui s’en charge ? etc.). Un tableur collaboratif visuel essentiel quand nous sommes plusieurs à travailler sur des centaines de contributions du public.
Êtes-vous en mesure de dresser un premier retour d’expérience ? Une hausse de fréquentation de votre site et d’achats d’articles sur le paywall, des conversions vers des abonnements ?
Nous n’avons pas les indicateurs suffisants aujourd’hui pour affirmer que ces projets participatifs ont mené à plus d’abonnements ou plus de visites que des articles « traditionnels ». À l’heure actuelle, les chiffres d’offres d’abonnement découverte sont équivalents sur des enquêtes « classiques » et sur des enquêtes participatives. Cela dit, quand on leur demande ce qui les a poussés à s’abonner, 28% des personnes nouvellement abonnées déclarent : « La possibilité de déclencher ou de contribuer à nos enquêtes » (sondage auprès de 1771 personnes nouvellement abonnées entre octobre 2019 et octobre 2020).
Il faut aussi dire que ces projets d’engagement accompagnent une démarche globale de Mediacités de sortir d’une relation purement transactionnelle avec nos publics. Nous disons à nos lectrices et à nos lecteurs : vous pouvez nous aider financièrement (et nous en avons besoin !), mais vous pouvez aussi nous aider à parler des sujets qui comptent pour vous, en prenant un peu de temps pour participer à la fabrication de nos articles.
En ce qui me concerne, un lecteur qui paie un abonnement pour soutenir notre média a autant de « valeur » qu’une personne nous faisant part de ses préoccupations afin que Mediacités enquête dessus. Car c’est aussi en produisant l’information qui préoccupe les citoyens (et pas seulement les journalistes enfermés dans leur conférence de rédaction) que nous pourrons contrer le procès en « déconnexion » et, à terme, convaincre de nouvelles personnes de s’abonner.
Les deux confinements ont-ils été un accélérateur de contacts avec vos publics ?
Définitivement, oui ! Nous avons lancé deux formats participatifs intégralement liés au Covid-19 : « Nos villes à l’heure du coronavirus » et « Transformons nos villes après le coronavirus ».
Par ailleurs, l’application Radar a été financée grâce à une subvention mise en place par l’European Journalism Centre en réaction à la crise du Covid-19. Alors que la défiance envers les politiques et les médias s’accentue et que certain·e·s élu·e·s pourraient être tenté·e·s d’abuser de leurs pouvoirs, Radar propose une réponse concrète au manque de transparence des institutions. Je pense qu’en faisant vivre la démocratie chaque jour, plutôt qu’une fois tous les six ans lors d’une élection municipale, on se donne les moyens de tisser des liens inédits et solides avec nos publics.
Cet article est publié sous licence Creative Commons (CC BY-ND 4.0). Il peut être republié à condition que l’emplacement original (fr.ejo.ch) et les auteures soient clairement mentionnés, mais le contenu ne peut pas être modifié.
Tags: co-construction, commentaires, conversation, journalisme conversationnel, mediacités, membership
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